Un site qui plaide pour une présidence moderne installée dans une architecture contemporaine.
Au moment précis où Nicolas Sarkozy prenait possession de l’Élysée, soit le mercredi 16 mai 2007, ce site était mis en ligne, suggérant de déménager le siège de la présidence de la République.
L’idée n’est certes pas neuve, qui a été envisagée par le général de Gaulle à son entrée en fonction en janvier 1959, puis par Valéry Giscard d’Estaing en 1978 et par François Mitterrand dès le 21 mai 1981, jour de son investiture. Il s’agissait alors d’installer les services du chef de l’État dans des locaux plus spacieux et plus fonctionnels que ce vieil hôtel du comte d’Évreux dont la République s’obstinait, depuis 1848, à vouloir faire un lieu de pouvoir. Ces projets n’ont toutefois pas abouti, comme on le sait. En vertu du principe selon lequel un problème qui ne trouve pas de solution est un problème mal posé, la raison en est peut-être que les choix présidentiels privilégiaient presque toujours des sites (plus) anciens : le château de Vincennes, l’École militaire ou l’hôtel des Invalides.
Aujourd’hui voit l’avènement d’un président incarnant tout à la fois un renouvellement de génération de la classe politique et une rupture dans la façon de gouverner. L’heure est donc enfin venue de mener à bien ce transfert de la présidence, non seulement dans des espaces conformes à une destination de bureaux, mais encore dans une architecture contemporaine, qu’elle soit à bâtir ou déjà existante.
Certains objecteront peut-être : pourquoi déménager la présidence de l’Élysée ?, alors que, finalement, il est tout aussi légitime de retourner la question : pourquoi maintenir la présidence à l’Élysée aujourd’hui ? Car, lorsqu’on fait la somme des critiques et inconvénients imputés à ce palais, il n’y a guère qu’un seul argument qui plaide en sa faveur : le souci de continuité, dont on peut suspecter qu’il se mêle à un conservatisme et à une peur du changement.
L’inscription traditionnelle de ce pouvoir dans un cadre somptueux mais désuet n’a que trop duré. Elle pouvait encore convenir aux présidents des Troisième et Quatrième Républiques, dont l’« épaisseur » institutionnelle ne dépassait guère celle de leurs homologues, souverains européens, trônant en leurs palais. Aujourd’hui, et alors que les citoyens ont de plus en plus de mal à se reconnaître dans leurs « représentants » politiques, il serait temps de prendre conscience que nous sommes entrés dans le XXIe siècle et qu’on ne peut décemment plus diriger un pays moderne depuis un hôtel de la noblesse Louis XV dont l’aspect n’a pour ainsi dire pas changé depuis le début du XVIIIe. Bien installé dans son palais anachronique et suranné, le président Sarkozy aura-t-il le talent de glisser un œil réaliste derrière ce décor de Truman Show ?
Le symbole serait particulièrement fort, donnant à voir, au plus haut degré de notre système politique, une image renouvelée et moderne du pouvoir en représentation. Car, précisons-le, notre projet n’est pas de déclasser la présidence de la République, de la dévaloriser ou de la déconsidérer en la destinant à une installation médiocre. Il s’agit au contraire de restaurer l’institution présidentielle, de la reconsidérer et la re-légitimer en veillant à un transfert du président et de ses services dans un lieu digne de la fonction et de son rôle.
Nos voisins allemands ont su — il est vrai par nécessité à la suite de leur réunification — offrir à leur chancellerie de Berlin une architecture résolument contemporaine et en renouveler le protocole et le mode de fonctionnement. La France serait bien inspirée de suivre cet exemple pour favoriser une meilleure concordance entre gouvernants et citoyens.
Pour des raisons pratiques (délais et coûts) autant que symboliques (histoire et géographie du pouvoir), le choix d’installer la présidence de la République dans la Grande Arche de La Défense semble à bien des égards le plus approprié et même le plus judicieux. Bâtie pour être un lieu de pouvoir, elle projette et guide notre regard vers l’ouest parisien, une direction depuis toujours assimilée à celle de l’avenir dans nos sociétés progressistes occidentales. Distincte des bâtiments qui l’entourent et qu’elle semble ordonner, l’Arche est au cœur d’un quartier dont le dynamisme serait, en tant qu’environnement pour notre chef de l’État, autrement plus actuel et populaire que le vieux et traditionnel faubourg Saint-Honoré, dédié au commerce du luxe. Enfin, elle est visible de partout et son architecture, faite d’une monumentalité douce et sereine, répondrait parfaitement au cahier des charges d’un leadership présidentiel modernisé en phase avec les attentes de notre société contemporaine.
En attendant la parution d’un livre — encore en préparation — plus complet et argumenté sur le sujet [→Déménageons l’Élysée : le livre !], le site demenageonslelysee.fr prend date avec le nouveau président Sarkozy. Celui-ci pourra, comme tout un chacun, y visiter la page dédiée au Forum pour faire part de ses observations et, peut-être aussi, de ses intentions… L’occasion pour lui de montrer qu’il était moins candidat à un poste qu’à une fonction, et qu’il sera moins attaché à un attribut du pouvoir qu’à un moyen de l’exercer.
Alexis Buvat
chercheur, spécialiste de symbolique politique
postmaster@demenageonslelysee.fr